Giuseppe Verdi : Nabucco – 1842

Livret de Temistocle Solera, tiré de Nabuchodonosor (1836),
drame d'Auguste Anicet-Bourgeois et de Francis Cornu

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bande rouge bande grise

Nabucco (titre initial : Nabuchodonosor) est un opéra en quatre actes créé le 9 mars 1842 à la Scala de Milan. Il évoque l'épisode biblique de l'esclavage des juifs à Babylone, symbolisé par le chœur de la troisième partie «Va, pensiero» des Hébreux auxquels s'identifiait la population milanaise alors sous occupation autrichienne.

Sur les bords de l'Euphrate, les Hébreux, vaincus et prisonniers, se rappellent avec nostalgie et douleur leur chère patrie perdue (chœur : Va, pensiero, sull'ali dorate). Le grand prêtre Zaccaria les incite à ne pas pleurer comme des femmes et prophétise une sévère punition pour leur ennemi : le Lion de Juda vaincra les Assyriens et détruira Babylone.

Va, pensiero

Va, pensiero, sull’ali dorate;
Va, ti posa sui clivi, sui colli,
Ove olezzano tepide e molli
L'aure dolci del suolo natal!

Del Giordano le rive saluta,
Di Sionne le torri atterrate...
Oh mia patria sì bella e perduta!
Oh membranza sì cara e fatal!

Arpa d'or dei fatidici vati,
Perché muta dal salice pendi?
Le memorie nel petto raccendi,
Ci favella del tempo che fu!

O simile di Solima ai fati
Traggi un suono di crudo lamento,
O t'ispiri il Signore un concento
Che ne infonda al patire virtù!

Va, pensée, sur tes ailes dorées ;
Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,
Où embaument, tièdes et suaves,
Les douces brises du sol natal !

Salue les rives du Jourdain,
Les tours abattues de Sion ...
Oh ma patrie si belle et perdue !
Ô souvenir si cher et funeste !

Harpe d'or des devins fatidiques,
Pourquoi, muette, pends-tu au saule ?
Rallume les souvenirs dans le cœur,
Parle-nous du temps passé !

Semblable au destin de Solime
Joue le son d'une cruelle lamentation
Ou bien que le Seigneur t'inspire une harmonie
Qui nous donne le courage de supporter nos souffrances !

Le chœur est écrit dans l'insolite tonalité de Fa# majeur. Dans la brève introduction orchestrale, les sonorités initiales, sombres et mystérieuses, alternent avec la soudaine violence des cordes en trémolo sur les arpèges des basses et les dernières mesures, avec les ornementations de flûtes et clarinettes pianissimo, semblent évoquer les lieux chers et lointains dont parlent les vers. La cantilène à 4/4, sombre et élégiaque, débute sur un long unisson du chœur tutti sotto voce (tous à mi-voix), l'orchestre marquant avec douceur les temps et les contretemps en triolets. Elle se dénoue sur les paroles «Arpa d'or dei fatidici vati», trouvant son moment de plus grande vigueur, le chœur chantant à six voix sur d'amples vagues d'accompagnement de sextolets arpégés en Do# majeur, avant de se présenter une dernière fois à l'unisson («O t'ispiri il Signore un concento») enrichie par les grupettos délicats des bois.